Holorimes
« Gall, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l'arène à la tour Magne, à Nîmes. »
(Marc Monnier)
« Dans
ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
[...]
Danse, aime, bleu laquais, ris d'oser des mots roses. »
(Charles Cros)
On les
rencontre généralement au cours de notre scolarité, objets
ludiques autant qu'étranges. Souvent on les oublie... Ils sont
revenus m'obséder comme un défi lancé. Un caprice puéril. Une
mécanique dont on comprend, de pleine évidence, les rouages,
mais qui se dérobe à toute volonté de la recréer. D'autres
pourtant y sont parvenus, se dit-on : Hugo, Prévert, Allais...
Alors sur le métier l'on remet l'ouvrage.
Les trois mots divulguèrent
L’étroit maudit vulgaire.
Mais
c'est mesquin. L'alexandrin holorime, ça oui, ça a de la gueule
! Mais la demi-mesure...! Et puis : qu'attendre de cet engrenage
sonore qui sous ses molaires mord le sens comme le prédateur sa
proie jusqu'au risque de l'anéantir ? Et puis : que faire de
cette ferraille inexorable, inoxydable, qui puisse dépasser
l'enfermement de sa propre finitude ? Et puis encore : où aller
sur le dos de cette bête machine et avec quel bagage, sur quelle
route ?
Je ne répondrai pas. Ὅλοι est une réponse, peut-être huit
réponses, parmi l'infini des réponses possibles, ou le néant.
Dans
les alexandrins holorimes, la perfection côtoie de si près le
dérisoire le plus inane - comme on longerait, d'un pas incertain,
un gouffre -, que l'on atteint l'expérience de l'humilité. Cette
humilité qui s'impose devant la certitude de la vanité. Et c'est
un jeu, bien sûr, car la littérature, invariablement, revient
toujours à jouer. Et c'est la vie même qui est en jeu, au fond,
à quelque échelle qu'on la considère. Parfois à si petite
échelle qu'il devient incertain qu'elle soit vie. Et au-delà ?
Car seul importe l'au-delà. Toute finitude exacerbée rend plus
perceptible les au-delà qui l'enferment, ouverts à tous les
vents.
Tout
ce que j'ai dit aurait pu ne pas être dit.
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