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L'auteur
Arrivé à soixante ans, on peut avoir beaucoup à dire, au sujet
de soi. Ou bien il vaut mieux au contraire savoir faire court,
parcourir les années au pas de course, ne pas étaler, ne pas ennuyer, ne pas chercher non plus
forcément à être "original"...
Je fais partie de ces "imbéciles
heureux qui sont nés quelque part", comme le chantait Brassens.
Pas plus imbécile ni plus heureux que d'autres, après tout. Nous
sommes nombreux... Il est vrai de toute façon qu'Albi est une
très belle petite ville. J'y suis né en 1960. Dans ces
années-là, une ville un peu endormie, mais où les quartiers
menaient une vie bon enfant, où des chevaux tiraient encore
des carrioles pour livrer du charbon, où l'on ne parlait pas de
patrimoine mondial, où la Verrerie Ouvrière, juste à côté de
chez moi, ça avait un sens. Mes grands-parents maternels, chez
qui je passais du temps, parlaient patois. Ce n'est que bien
plus tard que j'ai compris que ce patois était la langue
occitane, contre laquelle s'est acharnée la France durant des
siècles, anéantissant lentement mais sûrement une culture, ma
culture, celle des racines par lesquelles mon cœur se nourrit,
d'espoirs et de nostalgie. Pure image fantasmée ? Ce qui est
sûr, c'est que cette Occitanie mythique nourrit aussi mes
écrits. Souvent de manière discrète... dans les Lettres de
Shandili, dans mes deux romans, Le Soir, Lilith et
Le Scénar, et même dans certains passages de Karmina
Vltima.
C'est vers l'âge de neuf ou dix
ans que j'ai commencé à écrire. Dans le cadre de l'école
primaire, l'exercice du "texte libre" a révélé en moi une fibre
que j'ignorais. Je me lançais régulièrement dans des récits
d'aventures, ou bien des récits de rêves... un fantôme dans une
armoire, presque surréaliste sans le savoir. Mon instituteur
prédisait qu'un jour, j'écrirais des romans policiers. Tout ceci
est assez amusant, quand on y repense. Et puis très vite, dans
ces mêmes années, pour moi et non plus pour l'école, j'ai tenté
l'écriture poétique, par amour des mots, par amour du beau. Mon
premier texte poétique, en vers bien sûr. Je serais bien
incapable de vous dire si ces vers étaient, au moins métriquement,
réussis... Ces textes ont disparu dans le flot des années. Je me
souviens malgré tout du titre : "Les matelots de l'Espérance".
L'Espérance, c'était le nom d'un bateau... On peut avoir le sens
de l'allégorie à dix ans !
L'adolescence, comme toute
adolescence peut-être, paresseusement ballotée entre exaltations
et mal-être, entre renoncements et ambitions, s'est constamment
abreuvée, nourrie d'écriture, presque de façon boulimique :
roman d'aventure à quatre mains (inachevé), poèmes de toutes
sortes, en particulier en vers libres, prenant peu à peu la
forme de recueils élaborés, pièces de théâtre... et même écrits
philosophiques, fondés sur la constatation simultanée et
consternée de l'absurdité du monde et de la puissance de
l'art... A dix-sept ans, mon professeur Jean Roques me donnait
la première opportunité de publication : un poème, un sonnet
volontairement boiteux, dans la vénérable et savante Revue du
Tarn... C'est aussi l'époque où je découvris une figure
historique, trouble autant que troublante. Au détour d'une de
ces revues historiques auxquelles mon père était abonné, je
tombai un jour sur la fascinante Erzsébet Báthory... Je
l'ignorais bien sûr alors, mais elle allait devenir une des
figures récurrentes et emblématiques de bien de mes écrits... Un
peu plus tard, ce fut la première publication d'une de mes
nouvelles - "Aussi des moments nuls"-, marquée par la dérision,
dans un des premiers numéros (le n°8) de la revue Brèves,
aujourd'hui encore pleine de vitalité.
La découverte des écrivains,
durant les années d'études, n'est pas la moindre des influences,
bien évidemment, sur celui qui s'échine à leur ressembler, sans
renoncer à suivre un chemin différent et n'envisage que comme
une chimère de pouvoir se retrouver un jour parmi eux. Les
poètes sont sans doute les premiers à me fasciner : Baudelaire,
Laforgue, Apollinaire... un peu plus tard le bouleversant
Tristan Corbière. Et puis les prosateurs : André Dhôtel et son
réalisme onirique, Ray Bradbury, dont la beauté des
Chroniques martiennes m'accompagne encore, Villiers de
l'Isle-Adam et son idéalisme décadent si proche de mes états
d'âme, les tentacules de Lovecraft, et bien sûr ce joyau que je relis toujours avec la même
ferveur : Paulina 1880, de Pierre Jean Jouve. Le cinéma,
c'est autre chose, de plus fantasmatique encore. Découvrir
Truffaut, Herzog, Mizoguchi ou Le Fleuve de Jean Renoir,
c'est entrer dans des univers d'images et d'émotions qui
tisseront une trame de plus en plus serrée dans les profondeurs
de l'être et sur laquelle se dessineront par la suite bien des
motifs, de laquelle bien des envies créatrices tireront leur
inspiration, leur substance. Littérature, cinéma... mais musique
aussi, en particulier le rock progressif, Ravel, les musiques du
monde... émotions, consolation, évasion, inspiration...
Ma vie d'adulte m'a conduit -
moi qui auparavant n'avais jamais envisagé les voyages que comme
une improbable aventure lointaine ou comme un exil subi dans la
douleur - aux quatre coins d'un monde qui s'est ainsi réduit
sous mes regards consternés à ce grand village planétaire que
l'on ne connaît que trop bien et que l'on a souillé de toutes
les façons imaginables. Célibataire d'abord, puis marié, puis
père de famille, je me suis retrouvé, au gré des semi-hasards
professionnels, en Afrique noire à plusieurs reprises, en
Guyane, à la Réunion et à présent en Colombie... n'oubliant pas
non plus, entre ces étapes "exotiques", les quatre coins de la
France, de la Drôme au Nord, de la Manche à l'Ariège. L'île de
la Réunion est le lieu où mon attirance pour les cultures
indiennes a pu s'épanouir. Ce fut alors, dans la deuxième moitié
des années 90, le patient travail, journalistique et
ethnographique, de plusieurs années, qui me conduisit à créer un
vaste site internet,
Indes réunionnaises - hélas aujourd'hui laissé quasiment
à l'abandon par son repreneur.
Et c'est finalement en 2007 que
je m'engageai de nouveau sur les difficiles sentiers de la
publication, avec les Lettres de Shandili, suivies du
Devîsadangeï. Deux recueils - nouvelles, poèmes, liés les
uns aux autres - publiés en un seul volume. En 2012 sortait
Lettres noires, manuel scolaire écrit en collaboration avec
J. Pendje et K. Snoeck, consacré aux littératures francophones
d'Afrique Centrale. En 2014, L'Harmattan publiait mon premier
roman, Le Soir, Lilith, aboutissement d'un projet très
ancien. En 2016 suivait Non Loin de l'Alitani, en édition
virtuelle : un ensemble de poèmes conçus à l'occasion de mon
séjour en Guyane (1990-1995). 2020 est donc l'année de la
publication de mon deuxième roman, inattendu, Le Scénar ;
et 2021 voit la sortie de l'ouvrage poétique Karmina Vltima...
En 2022, les poèmes du recueil canto humilde / humble chant,
inspirés par la Colombie, sont publiés à leur tour.
Deux autres livres sont d'ores
et déjà programmés pour 2023 et 2024...
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